Petits mais souverains !
Le programme de citoyenneté par investissement n’est pas seulement un catalyseur pour le développement du Vanuatu. C’est n’est rien de moins que l’expression du privilège de notre souveraineté.
Avec ses 4700 km2, le Vanuatu occupe un minuscule 131690ème de la surface de la Terre.
Avec ses 934 M$, il compte pour moins d’un 87552ème du PIB mondial (2019).
Sur toutes les échelles de mesure de la planète, notre pays est presque insignifiant.
Toutes, sauf une : la souveraineté nationale. Dans cette catégorie, nous brillons par notre présence avec un gros 195ème.
Ce n’est pas rien : nous sommes un membre à part entière du chorus des nations, avec toutes les prérogatives d’un État indépendant. Comme un Canada, comme une Australie, nous détenons un droit immuable à l’auto-détermination. Comme une France, comme un Japon, nous avons la liberté d’occuper notre territoire, d’établir notre gouvernement, de voter nos lois. Les seules restrictions que nous imposent d’autres pays sont celles que nous acceptons de notre plein gré, en théorie tout au moins, dans le cadre d’accords internationaux.
Notre pays doit encore surmonter de multiples défis sur le plan du développement. Nous devons notamment investir dans les infrastructures et l’éducation pour permettre à notre population de se hisser vers un avenir meilleur. Mais où trouver l’argent ?
Nos terres, nos eaux, notre sous-sol suffisent à nous alimenter mais certainement pas à nous enrichir. Il y a bien le tourisme, mais il est limité étant donné notre distance des principaux marchés – et il a disparu depuis le COVID. Internet pourrait nous affranchir de notre isolement et, qui sait, nous propulser un jour dans l’économie du savoir, mais il faudra pour cela une main d’œuvre éduquée et des investisseurs motivés.
Pour le moment, le Vanuatu continue de recevoir de l’aide internationale ; mais si nous voulons pleinement assumer notre indépendance, nous ne pouvons dépendre indéfiniment de la générosité des autres.
Alors comment générer une croissance durable de façon autonome ? Nous sommes peu gâtés du point de vue des ressources naturelles, de la localisation, du climat, de la sismicité, de tous les facteurs qui contribuent à la réussite des autres États. Par contre, nous avons exactement la même souveraineté.
Comme eux, nous jouissons du privilège de pouvoir recueillir des fonds d’autres pays en échange d’actes souverains. Nous exprimons ce privilège chaque fois que nous immatriculons un navire, domicilions une entreprise, octroyons une licence financière, ou accordons la citoyenneté. Les territoires qui appartiennent à d’autres pays, comme la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française, les États ou provinces fédérés, comme la Victoria ou l’Ontario, n’ont pas cette liberté, aussi riches soient-ils.
Parmi les 195 membres de notre club sélect, nous sommes 77 à offrir un programme d’immigration par investissement. Parmi nous, 13 proposent la citoyenneté, les autres la résidence (qui mène souvent à la citoyenneté après quelques années).
Les programmes varient ; il y a un monde entre un visa EB-5 des États-Unis (montant minimal 1,8 million USD) qui vise à créer de l’emploi, et un passeport du Vanuatu (130 000 $). Mais tous ont en commun de trier leurs candidats sur le volet pour s’assurer qu’ils contribuent positivement à leur pays d’accueil.
Et contribution il y a. Sous les deux programmes actuels (VCP et DSP), entre 2017 et 2019, 5515 passeports du Vanuatu ont été émis contre 26,8 milliards de vatu. L’argent a servi à rembourser des emprunts, subventionner des industries essentielles, développer des infrastructures, secourir des sinistrés, offrir des bourses d’études, en plus de financer les Mini-jeux du Pacifique. En 2019, la somme représentait plus d’un tiers du budget de l’État !
Ajoutons à cela l’aspect 100 % vert du programme, et la citoyenneté par investissement s’impose comme un catalyseur essentiel à l’atteinte des objectifs du Plan de développement national durable pour 2030 (Le plan du peuple).
De leur côté, on ne peut pas dire que nos nouveaux compatriotes abusent de leur statut ; l’immense majorité n’a jamais mis les pieds au Vanuatu et ne compte probablement pas le faire. Ils n’ont même pas le droit de voter tant qu’ils conservent une autre citoyenneté. Ce qu’ils apprécient principalement, c’est notre régime juridique et financier, l’accès à 129 pays sans visa, et dans le cas des Chinois, la possibilité de se soustraire au contrôle de Pékin.
Bref, on pourrait croire que tout le monde a de quoi être satisfait. Pourtant, c’est loin d’être le cas.
Dans un rapport très détaillé commandé récemment par le Bureau de la Citoyenneté du Vanuatu, on apprend que le programme souffre d’un sérieux problème de perception. Et la principale critique qui lui est faite n’est pas d’ordre économique mais moral :
« Le souvenir de la lutte pour l’indépendance est encore frais dans l’esprit de beaucoup de gens, et de leur point de vue, donner la citoyenneté à des étrangers revient à trahir notre identité nationale, même si c’est en échange de retombées sociales importantes. »
Cette posture a été exprimée par plusieurs de nos politiciens, particulièrement lorsqu’il se trouvaient dans l’opposition. Beaucoup aimeraient sans doute voir le programme disparaître aussitôt qu’on trouve d’autres sources de revenu pour le remplacer.
Certes, des améliorations sont nécessaires, notamment pour renforcer le contrôle des candidats selon les exigences de l’Union européenne. Le Vanuatu doit continuer d’honorer ses engagements contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, qui ont été reconnus et applaudis par le Groupe d’action financière (GAFI) voilà déjà trois ans (même si la Commission Européenne tarde à les reconnaître de son côté). Il n’est pas dans notre intérêt que notre passeport devienne un handicap aux douanes de l’espace Schengen, car il perdrait de la valeur. Le rapport du Bureau de la citoyenneté donnait d’ailleurs à ce titre d’excellentes recommandations d’ajustements administratifs et juridiques, dont plusieurs ont été rapidement appliquées peu après sa publication.
Mais il est faux d’affirmer comme le font les opposants au programme, toujours selon le rapport, qu’il est une « menace très réelle à la souveraineté du pays ». Il est au contraire une célébration de notre souveraineté, directement issue de notre indépendance voilà 40 ans. Si nous étions encore un condominium, nos politiques de citoyenneté et d’immigration seraient probablement inspirées par celles de la France et du Royaume-Uni, où la situation est différente. Mais nous sommes souverains et avons décidé de nous donner les moyens du développement durable avec les ressources à notre disposition.
Faisons donc un autre calcul. Imaginons que le programme se poursuive à son rythme actuel, donc une moyenne de 1 800 passeports par an (VSP et DSP confondus). Cela représente 0,6 % de la population, soit moins que sa croissance démographique actuelle de 1,73 %. Ils ne risquent pas de déstabiliser notre identité nationale, d’autant plus qu’ils ne viennent pas pour la plupart (donc ne peuplent pas nos terres), ne votent pas (donc n’influencent pas nos choix de société) et ont été sélectionnés pour leur probité (donc risquent peu de commettre un crime en notre nom). En revanche, les quelques 20 milliards de vatu qu’ils injecteront chaque année dans l’économie permettront d’améliorer de manière très significative nos systèmes d’éducation et de santé, pour collectivement prendre mieux soin de nos enfants et de nos aînés.
Pendant ce temps, une autre source de revenu public, l’aide internationale, donne potentiellement à d’autres un levier d’influence politique, ce qui compromet véritablement notre souveraineté. La citoyenneté par investissement vient justement amoindrir cette menace en allant chercher des fonds étrangers avec nos propres moyens, parce que c’est notre prérogative d’État indépendant.
Autres articles sur le même sujet
Retrouvez nous sur :